Outils éducatifs
Questions clés :
- Quelle est la définition du mot génocide?
- Quels sont les critères utilisés pour déterminer si un événement constitue un génocide?
- Quels facteurs motivent les politiciens et les gens à participer à un génocide?
- Comment peut-on empêcher les génocides de survenir dans l’avenir?
Source : « Le crime sans nom » (Winston Churchill, 24 août 1941)
ACTION 1
Faire
Napperon sur le génocide
Amorçons notre étude de ces questions en nous basant sur nos connaissances actuelles. Vous travaillerez en groupes de quatre personnes. Créez un napperon vierge qui ressemble à l’exemple ci-dessous. Utilisez idéalement une feuille de tableau-papier et des marqueurs pour que votre napperon soit de grande dimension. Un quadrant de la feuille est attribué à chaque personne. Votre groupe doit suivre les instructions indiquées pour chaque étape de la création du napperon. (Voir les instructions et le modèle à la fin de cet Aperçu.)
A. Première étape : conclusion
- Activité d’une durée de 7 minutes.
- En groupe, écrivez une définition du terme « génocide » à l’aide d’adjectifs et d’images couramment utilisés. Tenez compte des critères nécessaires pour qualifier un comportement de « génocidaire ».
B. Deuxième étape : Récapitulation en classe
- Affichez le napperon de chaque équipe dans la salle de classe pour qu’ils puissent être examinés.
- Comparez les similarités et les différences entre les constatations de chaque groupe et déterminez si la classe s’entend ou non sur une définition commune du terme.
Définitions
Définition du terme
Le terme « génocide » n’existait pas avant 1944, année où un avocat juif polonais appelé Raphael Lemkin l’a utilisé pour décrire la politique des nazis visant le massacre systématique de la population juive d’Europe. M. Lemkin a combiné le mot grec gene (race ou tribu) avec cide, mot latin signifiant « tuer ». Le terme « génocide » a été utilisé par le Tribunal militaire international lors des procès de Nuremberg après la Deuxième Guerre mondiale pour décrire les gestes des leaders nazis ayant commis des « crimes contre l’humanité », mais ce terme n’avait aucun statut juridique pendant les procès de Nuremberg.
Le terme « génocide » a obtenu un statut juridique en décembre 1948, année où les Nations Unies ont approuvé la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Le génocide est alors devenu un crime international et les nations ont dû commencer à « prévenir et punir » les comportements répondant à la définition légale du terme. Dans l’Article II de la Convention, le terme « génocide » s’entend comme l’un des actes mentionné ci-après, commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, tel :
- le meurtre des membres du groupe;
- l’atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale du groupe;
- la soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle;
- l’imposition de mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe;
- le transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe.
« L’intention de détruire » un groupe particulier est propre au génocide. Une catégorie connexe du droit international, celle des crimes contre l’humanité, désigne les attentats répandus ou systématiques contre des civils. (The United States Holocaust Memorial Museum, Holocaust Encyclopedia)
Selon l’Article III de la Convention, les actes suivants sont punissables :
- Le génocide (voir les critères ci-dessus);
- Un complot en vue de commettre le génocide;
- L’incitation directe ou publique à commettre le génocide;
- La tentative de génocide;
- La complicité dans le génocide.
Discuter
Discussion : Quelle est la signification des termes en caractères gras ci-dessus?
1er cas : « Sentier de larmes »
Les États-Unis ont adopté la Indian Removal Act de 1830, qui a autorisé le déplacement forcé d’environ 17 000 hommes, femmes et enfants Cherokees, et certains de leurs 2 000 esclaves noirs, de la Géorgie à un nouveau territoire désigné en Arkansas et en Oklahoma. Ce déplacement forcé est survenu après que les Cherokees ont obtenu gain de cause dans le cadre d’une décision de la Cour suprême voulant que la Géorgie n’ait aucune autorité sur le territoire Cherokee. On estime à 4 000 le nombre de personnes qui, pendant cette marche hivernale forcée de 116 jours, ont succombé au froid, aux maladies et à l’interdiction de se reposer.
2e cas : Les goulags russes
Josef Staline, chef de l’URSS (Russie) de 1922 à 1953, s’est consacré à la création d’un État communiste sans classes. Tous les résistants à son image de ce que devrait être la Russie ont été fusillés ou envoyés dans des goulags. Le Goulag soviétique était un système de camps de travail forcé, dont beaucoup étaient situés dans des régions isolées du nord du pays. “Je t’enverrai en Sibérie” avait une signification effrayante pour les Russes. Voler une miche de pain entraînait jusqu’à dix ans de travaux forcés dans un goulag. Un grand groupe de Russes qui ont choisi de résister à Staline étaient les soi-disant «paysans riches». Ils possédaient leur propre terre. Staline a forcé ces gens dans des camps de travail s’ils ne donnaient pas leur terre à l’État. On estime que 10 millions de personnes ont été envoyées dans les camps entre 1934 et 1947 et 1,7 million d’entre elles sont mortes de travaux forcés, d’exécution, de maladie ou de famine pendant cette période.
Discussion :
- Les deux exemples ci-dessus peuvent-ils être considérés comme des cas de génocide même si le terme n’existait pas avant 1944? Pourquoi ou pourquoi pas?
- Est-ce que Joseph Staline aurait dû être traduit en justice pour avoir commis un acte de génocide? Pourquoi ou pourquoi pas?
Gregory H. Stanton : Les dix étapes du génocide
Alors qu’il travaillait au Département d’État des États-Unis en 1996, M. Stanton a rédigé un document décrivant ce qu’il considérait comme étant les divers stades du génocide. Après un examen minutieux, M. Stanton a cru pouvoir déceler des tendances au sein des pays qui prônaient une politique de génocide. Selon lui, les pays, les cultures et les individus pourraient prévenir les génocides s’ils reconnaissaient l’existence de ces stades. (Fondé sur les travaux de Gregory H. Stanton. Revisés en 2016. Voir les liens suivants pour des explications plus détaillées et une présentation PowerPoint.)
http://genocide.mhmc.ca/fr/genocide-etapes
Le génocide est un phénomène humain dont le processus peut être analysé et compris. Il peut par conséquent être prévenu. Selon l’expert universitaire et activiste Gregory H. Stanton, le processus du génocide se développe en dix étapes, ici résumées. Ces étapes ne suivent pas toujours une progression linéaire, elles peuvent coexister. À chaque étape, des mesures de prévention peuvent être mises en action.
- Classification – Les différences entre les personnes ne sont pas respectées. Une division est introduite entre le “Nous” et le “Eux” en utilisant des stéréotypes ou en excluant les gens qui sont perçus comme différents.
- Symbolisation – C’est une manifestation visuelle de la haine. Les Juifs dans l’Europe nazie furent forcés de porter l’étoile jaune pour marquer leur “différence”.
- Discrimination – Le groupe dominant dénie les droits civils et même la citoyenneté à des groupes spécifiques. En 1935, les Lois de Nuremberg ont déchu les Juifs de leur nationalité allemande, leur interdisant d’exercer de nombreuses professions ou de se marier avec des Allemands non-juifs.
- Déshumanisation – Ceux étant perçus comme “différents” voient leurs droits humains bafoués ou sont traités sans aucun respect de leur dignité. Pendant le génocide du Rwanda, les Tutsis étaient appelés les “cafards”. Les nazis faisaient référence aux Juifs en les appelant “vermine”.
- Organisation – Les génocides sont toujours planifiés. Les régimes prônant la haine forment souvent ceux chargés de mettre à exécution la destruction d’un peuple.
- Polarisation – La propagande commence par être diffusée par des groupes propageant la haine. Les nazis ont utilisé le journal Der Stürmer pour diffuser leurs messages haineux contre le peuple juif.
- Préparation – Les bourreaux planifient toujours un génocide. Ils utilisent souvent des euphémismes, comme les nazis qui ont employé l’expression “La Solution finale”, pour masquer leurs intentions. Ils créent une atmosphère de peur parmi les victimes et bâtissent des armées et constituent des arsenaux d’armes.
- Persécution – Les victimes sont désignées en raison de leurs origines ethniques ou de leur religion. Des listes de personnes à tuer sont établies. Les gens sont parfois reclus dans des ghettos, déportés ou affamés délibérément. Leurs avoirs sont souvent expropriés. C’est alors que les massacres commencent.
- Extermination – Les groupes prônant la haine tuent leurs victimes désignées dans le cadre d’une campagne de violence délibérée et systématique. Des millions de vies ont été détruites ou changées avant de reconnaitre le caractère génocidaire de ces crimes.
- Déni – Les responsables ou leurs descendants nient l’existence de tous les crimes.
••Chaque chapitre de cette unité se penche sur une étude de cas liée au génocide. Essayez de repérer, dans chaque cas, les signes des dix étapes du modèle de Stanton. Les caractéristiques sont-elles uniques à chaque cas présenté?
ACTION 2
Penser
Les questions essentielles
Samuel Totem et William S. Parsons (2012, 4e édition ) dans le document intitulé Centuries of Genocide: Essays and Eyewitness Accounts, Fourth Edition (p.5)suggèrent une série de questions courantes pour aider les gens à tirer des conclusions au moment de comparer divers épisodes de génocide. Les questions-guides sont :
- Qui a perpétré le génocide?
- Comment le génocide a-t-il été perpétré?
- Pourquoi le génocide a-t-il été perpétré?
- Qui étaient les victimes?
- Qui y a participé (ex.: État, institutions sociales, diverses personnes, groupes ethniques, observateurs, etc.)?
- Quelles forces et tendances historiques ont-elles mené au génocide? Le groupe de victimes a-t-il subi des répercussions à long terme en raison du génocide?
- Comment les particuliers, les groupes et les nations ont-ils réagi à ce génocide?
Ces questions peuvent guider votre interprétation des divers chapitres de cette unité. Au moment d’étudier chaque cas de cette unité, déterminez quels gestes les gouvernements auraient pu poser pour prévenir le génocide ou en réduire l’impact.
Sir Winston Churchill 1940
Crédit Photo: Wikimedia.org
Le 24 août 1941, le premier ministre britannique Winston Churchill s’adressa, dans un discours à la Nation en direct de Londres. Le premier ministre décrivit de façon dramatique la barbarie de l’occupation allemande en Russie :
« L’agresseur … riposte en se livrant aux cruautés les plus effroyables. Alors que les armées avancent, des zones entières sont soumises à leur joug. Des milliers d’exécutions — littéralement — sont perpétrées de sang-froid par les forces de sécurité allemandes sur des patriotes russes qui défendent leur terre natale. Depuis les invasions mongoles au XIIe siècle, on n’a jamais assisté en Europe à des pratiques d’assassinats méthodiques et sans pitié à une pareille échelle. Nous sommes en présence d’un crime sans nom (…).
Et ce n’est qu’un début. Le massacre sanglant provoqué par les unités blindées d’Hitler laissera sans doute famine et pestilence dans son sillage. Nous sommes en présence d’un crime sans nom. »
Les renseignements de Churchill sur les exécutions de masse qui ont suivi l’invasion allemande sont parvenus directement d’une source allemande. Six semaines avant le 9 juillet, les cryptographes britanniques ont déchiffré le code « énigmatique » utilisé par Berlin pour communiquer avec le front de l’Est. Des rapports réguliers des unités mobiles d’extermination (les Einsatzgruppen que Churchill appelait les « forces de sécurité ») ont fourni des renseignements détaillés et des chiffres précis concernant le nombre de « Juifs » et de « juifs bolchévistes » tués en masse à divers endroits sur le territoire occupé de l’Union Soviétique.
Donc, quand Churchill parlait de l’extermination de districts entiers et d’un « massacre méthodique et impitoyable », il possédait des informations détaillées sur les endroits et sur l’ampleur du crime perpétré par les Allemands en Ukraine et en Russie. (La section ci-dessus provient de la source suivante : http://bit.ly/lashoah
Churchill savait ce que les Allemands faisaient subir aux Juifs d’Europe. Pourtant, son discours ne mentionne ni les Juifs ni la Solution finale.
Source : Crimes without name
ACTION 3
Penser
Le dilemme moral de Churchill :
Est-ce que Churchill et les autres leaders occidentaux auraient dû s’opposer publiquement à l’Holocauste dès 1941? Tenez compte des facteurs suivants avant de juger la réaction de Churchill :
- À quel contexte historique Churchill était-il confronté? Churchill craignait-il que sauver les Juifs ne motive pas les combattants?
- Ne faudrait-il pas être prudent en examinant les décisions du passé? Les normes contemporaines (bien vs mal) sont-elles appropriées pour juger les décisions passées?
- Quelle leçon pouvons-nous tirer de la décision de Churchill pour nous aider à formuler des jugements éclairés concernant les génocides contemporains? À quelles limitations sommes-nous confrontées au moment d’utiliser des événements historiques antérieurs pour prendre des décisions éclairées lors d’un génocide?
Source : Basé sur les travaux de Peter Seixas et The Historical Thinking Project
Conclusions : Prévenir les génocides—Récapitulation des dix étapes de Stanton
Gregory H. Stanton croit que pour chacun des stades identifiés, un geste peut être posé pour prévenir la progression du génocide. En examinant les études de cas de cette unité, suggérez de quelle façon les gestes suivants auraient pu prévenir un génocide ou en diminuer l’ampleur.
ACTION 4
Faire
Placez la lettre associée à chaque étude de cas (A pour Arménie, R pour Rwanda, B pour Bosnie) près de la suggestion de Stanton. Plus d’une étude de cas peut s’appliquer à chaque énoncé.
___A. Une urgence de génocide doit être déclarée par les leaders mondiaux, et il faut faire immédiatement appel aux Forces d’urgence des Nations Unies pour mettre un terme au génocide.
___B. Un Tribunal international doit être établi pour traduire en justice et punir les responsables du génocide. Il faut songer à traduire les leaders en justice in abstentia au Tribunal international.
___C. Bannir les leaders et les milices qui prônent le génocide.
___D. Les autorités religieuses doivent s’opposer avec vigueur au génocide, et ce, tant nationalement qu’internationalement, quand la polarisation ethnique, raciale ou religieuse est présente dans la société.
___E. Il faut faire en sorte que les discours haineux soient culturellement et légalement inacceptables.
___F. Les fonds déposés à l’étranger des leaders qui prônent le génocide doivent être bloqués par les gouvernements et la communauté bancaire.
___G. Le port de symboles spécifiques qui séparent les groupes au sein de la société doit être condamné par la communauté internationale.
ACTION 5
“Genocide Watch”. Vous pouvez agir contre le génocide !
Plusieurs pays vivent actuellement une situation d’urgence en termes de génocide. Cette expression est employée lorsqu’un génocide est en cours dans un pays. Des centaines de milliers de personnes ont été touchées par les actions des génocidaires dans ces pays. Les personnes visées dans ces pays ont été tuées, déplacées ou forcées de fuir après la destruction de leurs villages et de leurs communautés.
Discuter
- Lisez l’article et discutez en classe de la manière dont l’histoire se répète.
- Choisissez un génocide en cours pour votre étude de cas.
- Discutez de la manière dont vous pourriez contribuer à protéger la communauté identifiée dans votre étude de cas.
Faire
- Trouvez des sites web qui soutiennent vos actions et apprenez-en plus sur ce que font les gens dans le monde pour sauver ces communautés qui font l’objet de vos recherches.
- Définir un plan d’action avec un calendrier précis, pour faire une différence en tant que classe.
Les femmes Yézidis ont été violées et vendues comme esclaves par l’État Islamique (EI).
Le génocide du peuple Yazidi s’est déroulé dans le nord de l’Irak entre 2014 et 2018. Ce groupe indigène kurde et arabophone vit en Irak et en Syrie et pratique une religion monothéiste qui remonte à Adam dans la Bible. L’ISIS les a qualifiés d’infidèles, a exécuté des milliers d’hommes yazidis et, durant environ quatre ans, a violé les femmes et les filles tout en les utilisant comme esclaves sexuelles. Plus de 7 000 femmes et enfants ont été capturés et le génocide se poursuit pendant que le reste du monde restait silencieux.
Les Yézidis cible d’un génocide en irak et en syrie (le juin 2016)
Crise des droits de l’homme au Myanmar
Les Rohingyas, de confession musulmane, représentent l’une des nombreuses minorités ethniques du Myanmar. Cette communauté comptait environ un million de personnes au début de 2017. Depuis des générations, ils vivent dans la région avec leur propre langue et leur propre culture, se disant descendants de commerçants arabes. Le Myanmar (anciennement Birmanie) est un pays à prédominance bouddhiste. Le gouvernement refuse de les reconnaître comme un peuple, affirmant que les Rohingyas sont des immigrants illégaux du Bangladesh. La dirigeante, Aung San Suu Kyi, a reçu le prix Nobel de la paix pour avoir rétabli la démocratie au Myanmar. Elle a été accusée d’avoir ordonné des massacres et des viols avec une “intention génocidaire” selon le rapport des enquêteurs de l’ONU datant d’août 2018. L’armée du Myanmar affirme qu’elle éliminait les terroristes dans l’État de Rakhine et que les militants rohingyas ont déclenché les conflits armés. Plus de 740 000 Rohingyas sont maintenant piégés dans des camps de réfugiés au Bangladesh, de l’autre côté de la frontière. On estime que plus d’un demi-million d’entre eux vivent encore au Myanmar et risquent de subir de nouvelles actions génocidaires.
Discuter
Faites des recherches et lisez un article sur Aung San Suu Kyi. Discutez pour savoir si elle devrait être poursuivie pour crimes de guerre et comment le pays devrait être tenu responsable.
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