Qu’est-ce qui a motivé les gens, sous le régime hitlérien, à accepter ou à s’opposer à la perpétration de l’Holocauste?
Y avait-il une distinction claire entre les conformistes et les dissidents?
Où le rôle des observateurs s’inscrit-il dans la discussion sur les conformistes et les dissidents?
Avant de pouvoir examiner le sujet de l’Holocauste en profondeur, c’est important à comprendre quelques faits essentiels. L’entrevue dans le vidéo offre une bonne introduction pour se questionner sur l’Holocauste : quand, qui, où, que, et pourquoi. En étudiant le génocide, il est permis de se demander comment le monde a pu permettre à un événement aussi horrible de survenir. Ce chapitre vous permettra d’examiner cette question de plus près en utilisant l’Holocauste en tant qu’étude de cas pour discuter du rôle des conformistes, des dissidents et des observateurs. Avec vos collègues de classe, vous commencerez par rassembler les raisons amenant les gens à décider de se conformer ou de s’opposer à un acte, puis vous dresserez une liste des personnages historiques correspondant à ces deux catégories. Vous utiliserez ensuite des sources primaires issues de diverses perspectives pour comprendre pourquoi les personnages historiques ont pensé et agi de la sorte, ainsi que pour vous familiariser avec l’importance d’éviter les généralisations. Pour finir, vous réfléchirez au rôle de l’observateur et déciderez où ce rôle s’inscrit dans le cadre de la discussion précédente et de votre propre vie.
Larry J. Mikulcik
FAST Directeur des projets éducatifs pour la Saskatchewan et le Manitoba
Lauréat des prix suivants : Médaille du Gouverneur général du Canada 2015 pour les enseignants en histoire; Médaille du Catalyseur du changement 2016 de la Société canadienne Yad Vashem et récipiendaire de la Médaille du 150ème anniversaire du Canada (2017)
Définitions
« Indésirables » : groupes de personnes considérés comme indignes et inutiles par le régime nazi parce que perçus comme une menace à l’objectif d’Hitler de créer une race aryenne pure. Ces groupes comprenaient les Juifs, les Tsiganes, les Afro-Européens, les personnes atteintes d’incapacités, les homosexuels, les ennemis politiques et les personnes de descendance slave.
Dissident : personne qui rejette une cause, est en désaccord avec elle ou pose des gestes pour s’y opposer.
Conformiste : personne qui appuie une cause, est d’accord avec elle et agit conformément à celle-ci.
Observateur : personne qui a connaissance d’une situation ou l’observe, mais choisit de ne pas s’impliquer, ses gestes et ses paroles n’étant ni ceux d’un conformiste ni ceux d’un dissident.
Jeunesse hitlérienne (en allemand : Hitler Jugend) : organisation de jeunes en Allemagne qui formait et éduquait les garçons et les filles (de 10 à 18 ans) pour soutenir activement le régime nazi.
La Rose blanche (allemand : die Weiße Rose) : groupe d’étudiants universitaires allemands qui ont créé une campagne non-violente et anonyme de graffitis et de tracts contre Hitler et le régime nazi.
Bataillon de réserve 101 : escadron de la mort regroupant des hommes allemands d’âge moyen et de la classe moyenne, inaptes à faire partie des forces combattantes allemandes, et chargés de mettre en œuvre la Solution finale à Jozefow, en Pologne.
Survivant de l’holocauste avec numéro tatoué
Crédit photo : Yuri Dojc 2014
Contexte
La Deuxième Guerre mondiale était non seulement caractérisée par une conquête territoriale, mais également par sa dimension idéologique et raciale. L’idéologie raciale, qui reposait sur l’antisémitisme, était véhiculée par Adolf Hitler et son Parti national socialiste (en allemand : Nationalsozialismus—NAZIs). L’antisémitisme est une expression de haine ou de discrimination contre le peuple juif. Il est historiquement lié à leur ethnicité et à leur religion, créant des tensions avec le christianisme et ses adeptes chrétiens. Or, Adolf Hitler a donné un nouveau sens à l’antisémitisme en ajoutant une dimension économique à la haine, blâmant les Juifs pour les déboires de l’économie allemande après la Première Guerre mondiale.
Pendant la Deuxième Guerre mondiale, d’innombrables actes de violence physique et morale ont été perpétrés contre les Juifs et d’autres communautés considérées comme « indésirables » par les Nazis, telles ; les Tsiganes, les homosexuels, les ennemis politiques et les personnes handicapées. Plus particulièrement, les Juifs ont été abattus à coup de fusil, condamnés à mourir de faim, empoisonnés dans des chambres à gaz et incinérés dans des fours crématoires. Ce massacre ou génocide du peuple juif a été appelé Holocauste. Avant la guerre, il y avait environ 12 millions de juifs européens. À la fin de la guerre, seuls six millions d’entre eux avaient survécu.
Lorsque l’on étudie l’Holocauste, il est permis de se demander comment le monde a pu laisser une telle tragédie se produire ? En fait, l’ampleur du génocide a été révélée plusieurs années seulement après la guerre, et on continue, aujourd’hui encore, d’en trouver de nouvelles preuves. Malgré tout, vous vous demandez comment cela a pu se produire. Nous nous pencherons sur les perspectives historiques de diverses personnes associées à l’Holocauste, sur les rôles qu’elles ont joués et sur leur attitude à l’égard de cet événement.
Perspectives historiques
En tenant compte de diverses perspectives historiques, on saisit mieux les raisons pour lesquelles certains événements se sont déroulés d’une certaine façon. Cet examen consiste non seulement à s’identifier aux personnages historiques, mais également à effectuer des recherches sur le contexte historique qui a influencé les pensées et les actes des gens à cette époque. Cependant, il faut éviter de poser des hypothèses concernant le passé en fonction de notre propre ensemble de valeurs et de croyances, car nos normes diffèrent dans le temps et dans l’espace. En considérant ces éléments, nous pouvons utiliser les faits historiques comme points de départ pour comprendre les divers contextes politiques, sociaux, économiques, géographiques et émotionnels qui ont façonné le passé et la perspective des gens. Vous utiliserez les sources primaires suivantes pour comprendre les diverses perspectives historiques entourant l’Holocauste et pour déterminer dans quelle mesure, le monde a intentionnellement permis à cet événement de survenir.
Artéfacts
Artéfact 1 › Deux photos de l’organisation Jeunesse hitlérienne, datée de 1938
« Endoctrinement des jeunes. » Jeunesse hitlérienne, datée de 1938
Crédit photo : United States Holocaust Memorial Museum
Artéfact 2 › Passages d’un livre populaire pour enfants utilisé dans les écoles allemandes, 1936
« Dieu a façonné les races : Indiens, Nègres et Chinois, et le Juif aussi, cet être mauvais… Il y eu toute une partie du monde. Érigée dans la sueur. Dans laquelle le Juif ne prit (sic) aucune part! Dès le commencement, le Juif ne voulait rien créer, juste escroquer Il apprit en premier le mensonge Vite et bien, avec le diable pour père. » « Haï depuis toujours par le Juif! C’est le Juif, que l’on voit toujours ainsi, La plus grande canaille de tout l’Empire; Il dit qu’il est le plus beau Et pourtant il est si laid! »
Artéfact 3 › Mémoires de deux soldats allemands du Bataillon de réserve 101, escadron de la mort engagé pour tuer des juifs à Jozefow, en Pologne, pendant l’été de 1942.
« Ceux qui ne voulaient pas ou ne pouvaient pas abattre des êtres humains de leurs propres mains…restaient près des camions qui arrivaient et se tenaient occupés aux points de débarquement. Certains de mes camarades avaient remarqué que je ne participais pas aux exécutions…ils m’ont accablé d’injures comme « connard » et « faiblard » pour exprimer leur dégoût. Je ne suis pas le seul qui ait choisi de ne pas participer. »
« Ensuite, j’ai armé ma carabine et j’ai tiré derrière la tête [un Juif âgé]. Parce que j’étais déjà très bouleversé par le traitement cruel des Juifs …des parties du crâne ont éclaté…J’ai été tellement malade que je ne pouvais simplement plus [tirer; tuer]. »
Source : Browning, Christopher R. « Ordinary Men », dans The Holocaust: Problems and Perspectives of Interpretations, publié par Donald L. Niewyk. Connecticut, Wadsworth Publishing, p.76-90.
Artéfact 4 › Photo de trois membres du mouvement de La Rose blanche à Munich, en Allemagne
Hans Scholl (gauche), Sophie Scholl (centre) et Christophe Probst (droit)
Crédit photo : Yad Vashem
Le mouvement de La Rose blanche
La Rose blanche est un mouvement de jeunes qui a milité à Munich, en Allemagne, de juin 1942 à février 1943.
Artéfact 5 › Passages de deux tracts que les membres de la Rose blanche ont distribués de façon anonyme à Munich et dans les villes allemandes avoisinantes.
« N’est-il pas vrai qu’aujourd’hui, tout honnête Allemand a honte de son gouvernement? Lequel de nous se doute de l’ampleur de l’ignominie qui s’abattra sur nous et nos enfants lorsqu’un jour le voile tombera de nos yeux, et qu’apparaîtront au grand jour les crimes les plus horribles et les plus extrêmes? » Premier tract, 1942
« Depuis la conquête de la Pologne, trois cent mille Juifs y ont été assassinés comme des bêtes. Il s’agit d’un crime monstrueux contre la dignité de la personne humaine, sans pareil dans l’histoire de l’Humanité. Car les Juifs, eux aussi, sont des êtres humains — peu importe la position qu’on adopte à l’égard de la question juive — et un crime de cette ampleur a été perpétré contre des êtres humains. » Deuxième tract, 1942
Artéfact 6 › Réponse du gouvernement fédéral des États-Unis concernant l’approche du S.S. St. Louis (télégramme envoyé en juin 1939)
Ceux à bord du S.S. St. Louis doivent « attendre leur tour sur la liste d’attente et remplir les conditions requises pour obtenir un visa d’immigration avant d’être admis aux États-Unis. »
Artéfact 7 › Photo prise à la Rafle du Vel’ d’Hiv, juillet 1942.
Photo prise à la Rafle du Vel’ d’Hiv, juillet 1942.
4 045 adultes juifs et 4 115 enfants juifs rassemblés par la police française dans un stade de Paris appelé le Vel’ d’Hiv (Vélodrome d’hiver), où ils ont été détenus pendant quatre jours avant d’être envoyés dans les camps.
Les 16 et 17 juillet, les forces policières françaises ont rassemblé et tué des Juifs dans la France occupée par les Nazis. De nombreux Juifs ont trouvé la mort après avoir été escortés vers le vélodrome par les policiers français.
Artéfact 8 › Citations de résidents de Le Chambon-Sur-Lignon, un village du Massif central.
« Dès que les soldats partaient, nous allions dans la forêt et chantions une chanson. Quand ils entendaient cette chanson, les Juifs savaient qu’ils pouvaient revenir en toute sécurité. » (1941)
« Nous n’avons pas protégé les Juifs parce que nous étions un peuple moral et héroïque. Nous les avons aidés, car c’était le geste humain à poser. » (1989)
Source : Garson, Mark. Leading Through Conflict: How Successful Leaders Transform Differences into Opportunities. Harvard Business Press, 2006, p.27; The Holocaust: Crimes, Heroes, Villains. Tiré de : http://bit.ly/frenchsavejews
ACTION 1
Penser
Toiles de réflexion
Historiquement, pourquoi pensez-vous que les gens qui vivaient pendant le règne d’Hitler se sont conformés ou opposés à la perpétration de l’Holocauste? Pour démontrer ces liens, créez un graphique des pensées et décisions prises.
ACTION 2
Penser
Mes liens avec l’histoire
Observez indépendamment et soigneusement les artéfacts ci-dessus (1 à 5). Qu’est-ce qui vous intrigue à leur sujet? Est-ce qu’ils vous rappellent des récits et événements personnels? En quoi sont ils importants pour mieux comprendre l’Holocauste ?
ACTION 3
Discuter
Voir les récits
Réalisez les activités suivantes avec un collègue de classe :
Comparez les photos illustrant l’organisation des Jeunesses hitlériennes et le mouvement de la Rose blanche (Artéfacts 1 et 3). Quelles sont les similarités et les différences entre ces deux organisations? Comment les images influencent-elles notre perception des jeunes Allemands et de l’Allemagne en général pendant cette période?
Réexaminez l’Artéfact 2 – dans quelle mesure un livre pour enfants représente-t-il un outil de propagande utile? Généralement, la propagande vise des groupes d’âge plus vieux. Quelle serait l’incidence de cibler les enfants?
Est-ce que l’Artéfact 5 nous fournit une représentation véritable des soldats combattants pour les nazis? Dans quelle mesure ces citations sont-elles utiles pour nous aider à comprendre les perspectives des soldats allemands?
Déterminez si chaque Artéfact nous procure un exemple d’une personne ou d’un groupe se conformant à l’Holocauste ou s’y opposant? Expliquez votre raisonnement. Remarque : les artéfacts 3 et 4 désignent un groupe. Quels sont certains des facteurs qui semblent motiver la position de chaque personne ou groupe?
ACTION 4
Discuter
Risques d’agir
À l’aide des artéfacts six à huit, discutez de quatre des six questions suivantes avec un partenaire.
Quels sont les risques possibles que les personnes assument au moment de se conformer? Et de s’opposer?
Dans quelle mesure croyez-vous que les systèmes et les structures de la société ont influencé les gestes de ses membres?
Expliquez si l’artéfact 6 représente ou non un exemple de conformisme au régime nazi? Comment les gestes des policiers français dans l’artéfact 7 se comparent-ils à cet exemple?
Dans quelle mesure les États-Unis avaient-ils raison de retarder l’entrée des réfugiés juifs au pays? Est-ce juste de permettre un accès illimité aux réfugiés? À quels moments et pour quelles raisons devrions-nous imposer des limites à cet égard?
Examinez le tableau en T que vous avez créé pendant l’activité de réflexion. Y apporteriez-vous des changements maintenant? Éprouvez-vous de nouvelles difficultés au moment de décider où placer les termes?
Après avoir réalisé les activités, croyez-vous que le monde a intentionnellement permis à l’Holocauste d’avoir lieu? Pourquoi? N’oubliez pas de justifier votre raisonnement.
ACTION 5
Penser
L’observateur
Lisez le poème suivant écrit par le pasteur protestant allemand, Martin Niemoller, pendant le règne nazi.
Quand ils sont venus Quand ils sont venus chercher les socialistes, je n’ai pas protesté parce que je n’étais pas socialiste. Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai pas protesté parce que je n’étais pas syndicaliste. Quand ils sont venus chercher les Juifs, je n’ai pas protesté parce que je n’étais pas juif. Et lorsqu’ils sont venus me chercher, il n’y avait plus personne pour protester.
Indépendamment, réfléchissez à la façon dont ce poème nous parle du rôle de l’observateur.
Selon vous, où l’observateur se situe-t-il dans le cadre de notre discussion précédente sur les conformistes et les dissidents? Formulez des arguments pour déterminer si un observateur devrait être considéré comme un conformiste ou un dissident. Discutez de votre choix et de votre raisonnement avec un partenaire.
ACTION 6
Les expériences médicales nazies
Durant la Seconde Guerre mondiale, des médecins nazis ont mené des expériences douloureuses et souvent mortelles sur des milliers de prisonniers sans leur consentement. Prenant en considération les conditions inhumaines, l’absence de consentement et les normes de recherche douteuses utilisées, les scientifiques de notre époque rejettent massivement l’utilisation des résultats des expériences médicales menées dans les camps de la mort nazis. Les expériences médicales nazies
A. Utilisez Google et lisez les informations au sujet du serment d’Hippocrate. Discutez en classe des impératifs moraux de ce serment. Comment Mengele et les autres médecins allemands ont-ils renié ce serment si facilement, considérant combien il était important pour les Allemands de cette époque que celui-ci soit respecté?
B. Est-ce toujours moralement acceptable pour nous d’utiliser les données acquises à travers des moyens immoraux comme celles obtenues par les médecins et les scientifiques nazis? Si oui, pourquoi, si non, pourquoi?
Discutez à deux pourquoi le principe du pardon des nazis d’Eva Kor est controversé. Comment l’humanité pourrait-elle s’élever si le principe du pardon d’Eva Kor était accepté et appliqué universellement?
ACTION 7
Faire
Les survivants de l’Holocauste au Canada
Le programme des mémoires des survivants de l’Holocauste a été établie par la Fondation Azrieli. Le but est de collectionner, préserver et partager les mémoires et les journaux écrits par les survivants de l’Holocauste qui sont venus au Canada. Ces mémoires – publiés en anglais et en français – sont distribués sans frais aux établissements éducatives partout au Canada. http://memoirs.azrielifoundation.org/fr/interactive
Re:Collection est une ressource innovative en ligne qui combine des entrevues vidéo avec des extraits des mémoires, des photos et des artéfacts et constitue des chronologies interactives et des cartes pour placer les contes des survivants dans un contexte historique et géographique. http://memoirs.azrielifoundation.org/fr/recollection
Nous ne pouvons pas faire de généralisations sur les expériences des survivants de l’Holocauste. Leur expériences sont aussi diverses que les individus. Regardez 3 entrevues vidéo et écrivez une dissertation pour comparer leur perpectives individus.
Tous les efforts ont été faits auprès des détenteurs de droits d’auteurs afin d’obtenir les droits de reproduction. L’éditeur s’excuse par avance de tout oubli ou omission et se fera un plaisir d’apporter les corrections qui s’imposent lors des réimpressions subséquentes et lors des mises à jour du site web.
Questions clés :
Définitions
Artéfacts
