Le gouvernement canadien a-t-il eu raison de déplacer de force des milliers de Canadiens d’origine japonaise de la côte ouest vers l’intérieur des terres durant la Seconde Guerre mondiale ?
Comment vous sentiriez vous si vous étiez soudainement déporté de votre lieu de naissance, sans raison apparente ?
Doit-on assumer la responsabilité des «erreurs» commises par nos ancêtres ?
Minoru Fukushima – Inhumation des Canadiens d’origine Japonaise
Définitions
Internement – emprisonnement ou détention de personnes (considérées comme des «étrangers-ennemis»), sans procès, une mesure souvent adoptée en temps de guerre ou de terrorisme. Cette définition peut être utilisée pour décrire un « camp de concentration ».
Restitution – réparation accordée pour indemniser les personnes en raison de la confiscation de leurs biens, des dommages causés à leurs propriétés et de dommages provoqués sans justification.
Loi sur les mesures de guerre – une loi antidémocratique adoptée par le Parlement du Canada le 4 août 1914 et conférant au gouvernement des pouvoirs spéciaux lui permettant de gouverner par décret lorsqu’il perçoit la menace d’une guerre, d’une invasion ou d’une insurrection, réelle ou appréhendée. Cette loi donne également au gouvernement toute l’autorité pour censurer les médias, procéder à des arrestations sans justification, déporter sans procès et expulser des individus et les exproprier. La mise en œuvre de cette loi nécessite uniquement l’adoption par le cabinet fédéral d’un décret en conseil et n’a pas à être approuvée par le Parlement démocratiquement élu. Cette loi a été invoquée à trois reprises: lors de la Première Guerre mondiale, lors de la Seconde Guerre mondiale, et lors de la crise d’Octobre de 1970 par le Premier ministre Trudeau.
Issei – terme japonais servant à qualifier les personnes de première génération qui se sont établies au Canada ou aux Etats-Unis.
Nisei – Terme japonais servant à qualifier les personnes de seconde génération nées au Canada et aux États-Unis, de parents japonais.
Ce qui s’est vraiment passé
Après une décennie de campagnes militaires et des victoires en Asie (principalement en Corée et en Chine), le gouvernement japonais voulut contrecarrer les efforts américains visant à contenir l’expansionnisme militaire japonais en attaquant, par surprise, le 7 Décembre 1941, la base navale américaine de Pearl Harbor à Hawaï. Cette attaque surprise tua 2500 américains et fut rapidement suivie par d’autres attaques sur le continent asiatique, incluant la garnison militaire de Hong Kong qui venait d’accueillir deux bataillons canadiens. Le 25 décembre, les Japonais forcèrent la garnison à se rendre, réduisant les survivants au statut de prisonniers de guerre.
À cette époque, la Colombie-Britannique comptait, au sein de sa population, 22.000 Canado-Japonais dont 14.000 nés au Canada. Plusieurs de ces immigrants travaillaient dans l’industrie de la pêche. Le 24 février 1942, un décret, promulgué en vertu de la Loi sur les mesures de guerre, conféra au gouvernement fédéral le pouvoir d’interner toutes les «personnes d’origine japonaise».
Une zone protégée de 100 miles (160 km) près de la côte pacifique fut créée. Et les hommes d’origine japonaise, âgés de 14 à 45 ans, furent poussés hors de leurs foyers avant d’être menés vers des camps reculés à l’intérieur des terres et même au-delà. Les objecteurs de conscience furent arrêtés par la GRC et déportés dans une prison entourée de fils de fer barbelé – à Angler, en Ontario. Environ 4.000 personnes furent envoyées dans les Prairies en Alberta où ils ont vécu dans des conditions difficiles.
Peu après, le reste de la communauté japonaise qui comprenait plus de 20.000 hommes, femmes et enfants fut déplacé de la côte ouest et installés dans les camps d’internement à l’intérieur des terres. Les familles furent déchirées, parmi lesquelles certaines familles présentes au Canada depuis deux générations. De plus, ils devaient payer pour leurs propres frais de subsistance et de réinstallation parce que la Convention de Genève ne les protégeait pas comme les prisonniers de guerre des nations ennemies. Leur courrier et documents écrits ont été censures.
De nombreux travailleurs canadiens d’origine japonaise furent envoyés dans des camps, à proximité de champs et de vergers, comme dans la vallée de l’Okanagan en Colombie-Britannique. Cette mesure permis de résoudre rapidement la pénurie de travailleurs agricoles en région.
Pendant la guerre, le gouvernement fédéral adopta une loi pour confisquer les biens des «étrangers-ennemis». Pour les Canadiens d’origine japonaise, cela signifiait la perte de leurs fermes, de leurs bateaux de pêche et de leurs équipements.
1,200 bateaux de pêche japonais saisis et mis à la fourrière en 1941 à New Westminster, en Colombie-Britannique
À la fin de la guerre, en 1945, il y eut des appels pour déporter les Canadiens d’origine japonaise vers le Japon. Certains d’entre eux qui avaient signé cette «entente de rapatriement», tentèrent de l’annuler. Dès mai 1946, environ 4000 personnes furent renvoyés au Japon, même si beaucoup, parmi eux, étaient nés au Canada et n’avaient pas d’autres patries. De nombreuses personnes issues de cette communauté retournèrent vers la côte ouest, mais d’autres restèrent près de leurs lieux d’internement ou se déplacèrent vers d’autres villes comme Toronto. Cela dit, ils ne recouvriront pas leurs biens et leurs droits mais gagneront le droit de vote en 1949, en même temps que les Canadiens d’origine chinoise. Toutes les autres restrictions furent levées durant la même année.
Chronologie
Date
Événements
1877
Manzo Nagano, un marin de dix-neuf ans, est le premier Japonais à immigrer officiellement au Canada. Il travaillera dans le secteur de l’exportation du saumon.
1885
Le gouvernement fédéral adopte une taxe d’entrée pour limiter l’immigration chinoise. Ladite taxe n’est pas imposée aux immigrants japonais.
1899-1902
Durant la guerre des Boers, les Anglais établissent des camps où sont internés les fermiers Boers Sud-Africains, leurs femmes et leurs enfants ainsi que des Sud-Africains de race noire. Ces camps furent qualifiés de «camps de concentration».
1907
Les États-Unis interdisent l’immigration des Japonais qui utilisent l’ile d’Hawaï comme porte d’accès. Plus de 7.000 immigrants débarqueront en Colombie-Britannique à la suite de cette mesure (comparativement à un peu plus de 2.000 en 1906). La multiplication des tensions sur la côte ouest américaine et canadienne, en raison de l’immigration d’origine asiatique, entrainera la création d’une League d’Exclusion Asiatique (Asiatic Exclusion League). La Ligue tiendra un rassemblement devant l’hôtel de ville de Vancouver, qui tournera à l’émeute. Les boutiques du quartier chinois seront vandalisées. Les magasins situés dans le quartier japonais de la ville subirent moins de dommages en raison de la résistance de la population.
1914
marque l’adoption de la Loi des mesures de guerre par le Parlement fédéral après le déclenchement de la Première Guerre mondiale. Cette loi confère de larges pouvoirs au gouvernement canadien afin de maintenir la sécurité et l’ordre en cas de guerre ou d’insurrection. Durant cette guerre, des ‘’étrangers-ennemis’’ (les ressortissants de l’Allemagne et des empires turc et austro-hongrois) furent internés quand il existait des «motifs raisonnables» de croire qu’ils étaient engagés dans des activités illégales ou d’espionnage. Beaucoup de ces «étrangers» étaient d’origine ukrainienne, à une époque où L’Ukraine n’était pas un pays souverain.
1916-1922
Canadiens d’origine japonaise se portent volontaires en Alberta pour combattre au sein des forces canadiennes. Ils participeront à la plupart des grandes batailles, se méritant 11 médailles militaires pour bravoure. 54 militaires, parmi ces engagés volontaires, mourront au champ d’honneur.
1931
les militaires japonais envahissent la Mandchourie.
1937
L’armée japonaise s’engage dans une invasion à grande échelle de la Chine. En 1941, elle occupe les zones côtières de la Chine et du Vietnam. Un événement particulièrement infâme se déroulera en décembre, lors de l’occupation de la ville de Nankin. Les historiens parlent du massacre de Nankin ou du «viol de Nankin».
27 September, 1940
L’Allemagne, L’Italie et le Japon forment une alliance défensive à travers le Pacte Tripartite appelé également le Pacte de Berlin.
1941
l’armée impériale japonaise attaque la base navale américaine de Pearl Harbor sur l’ile d’Hawaï. Cette attaque sera suivie par l’invasion de plusieurs territoires sud-asiatiques incluant Hong Kong et la reddition de milliers de militaires anglais et canadiens.
1942
Plus de 20.000 Canadiens d’origine japonaise vivant sur la côte ouest sont envoyés dans des camps à l’intérieur des terres, en Colombie-Britannique, en Alberta et au-delà. La plupart des camps sont des camps d’internement, mais certains sont également des camps de travail.
19 January, 1943
un décret du gouvernement fédéral ordonne la liquidation de tous les biens japonais placés sous «garde protégée».
2 May, 1947
Le navire SS Marine Angel quitte Vancouver, avec à son bord 3964 anciens internés, en direction du Japon encore dévasté par la guerre.
31 March, 1949
les Canadiens d’origine chinoise et japonaise se voient conférer le droit de vote.
ACTION 1
Two terms— “Deux termes – «camps d’internement» et «camps de concentration» sont utilisés pour décrire les camps dans lesquels les civils sont détenus, (ce qui viole leurs droits les plus élémentaires). Parfois les termes sont employés de manière interchangeables. Cela devrait-il être le cas ?
Chercher
Recherche sur l’emploi de ces deux termes tels qu’utilisés à travers l’histoire et mener le « test » suivant en utilisant le «test de Venn».
Les diagrammes de Venn nous permettent d’établir des comparaisons: un outil déterminant pour améliorer notre compréhension des concepts. Voici un « test » pour préciser les comparaisons et mesurer les différences et les nuances. Nous pouvons comparer deux idées ; par exemple : › «Préjudice» et «discrimination»
Ou les expériences vécues par deux groupes d’immigrants; exemple : › Les Canadiens d’origine chinoise et japonaise du début de leur établissement au Canada à 1949
Ou les expériences vécues au Canada et aux États-Unis; exemple : › Le traitement des personnes d’origine japonaise
A. Les personnes, les événements ou les idées faisant l’objet de comparaisons n’ont-ils rien en commun?
B. Existe-il des similitudes masquées par leurs différences?
C. Leurs similitudes sont-elles si fortes que leurs différences ne comptent pas tant que ça?
D. Sont-elles synonymes: décrivent-elles la même réalité bien qu’elles portent des noms différents?
E. L’idée considérée fait-elle partie de l’autre idée?
Ce «test» peut être utilisé dans tous les domaines lorsque l’on compare, par exemple :
Deux événements ou plus, deux idées, ou deux artefacts.
les éditoriaux de deux journaux sur une question d’actualité liée aux préjugés, à la discrimination, aux droits humains ou tout autre sujet trouvé dans Parlez et Agissez.
Le test de Venn est plus significatif qu’un simple diagramme de Venn et favorise une analyse plus approfondie des tendances et des rapports entre les éléments comparés.
Discuter
À l’aide des tests de Venn, discutez et débattez en groupe de deux ou plus. Certaines comparaisons feront appel à votre jugement et vous révèleront qu’il peut y avoir plus d’une «bonne» réponse.
ACTION 2
Faire
À partir de la chronologie et du travail déjà fait en classe, y compris l’étude d’autres chapitres et unités de Parlez et Agissez, vous convenez que de nombreux Canadiens ont été victimes de graves préjudices tout au long de notre histoire. Ces actes de discriminations ont été commis par des individus, des organisations et même le gouvernement. À cet égard, considérez un autre groupe victime de discriminations et ayant subi un préjudice dans notre histoire, (ce groupe pourra être éventuellement identifié à l’aide de Parlez et Agissez) et établissez un parallèle avec les Canadiens d’origine japonaise, en utilisant le test de Venn.
Artefacts 1
The following documents, both primary and secondary sources, relate to the decision to remove Japanese Canadians from the west coast.
Document 1 : › Extraits d’une résolution adoptée par le Parlement de Colombie-Britannique en 1924
Considérant que les statistiques indiquent un large accroissement du nombre d’Orientaux (Chinois et Japonais) en Colombie-Britannique, une augmentation annuelle d’une ampleur inquiétante :
Considérant que les Orientaux ont envahi différents secteurs de l’industrie et du commerce au dépend de nos citoyens blancs :
Considérant que beaucoup de nos marchands blancs sont condamnés à la faillite par une telle invasion commerciale et industrielle :
En conséquence, il est résolu que la Chambre se déclare officiellement comme étant totalement opposée à la continuation de l’immigration des Orientaux…
Extrait traduit de Ken Adachi, The Enemy That Never Was, Toronto: McClelland and Stewart, 1991, p. 141.
Document 2 : › Déclaration au sujet des Canadiens d’origine japonaise par Thomas Reid, membre du Parlement de Colombie-Britannique dans un discours prononcé en janvier 1942
Ramenez-les au Japon. Ils ne sont pas d’ici … Ils ne peuvent pas être assimilés à des Canadiens. Peu importe le nombre d’années vécues au Canada, ils seront toujours Japonais.
Extrait de Roy Miki and Cassandra Kobayashi, Justice in Our Time. The Japanese Canadian Redress Settlement. Vancouver: Talon books, 1991, p.24.
Document 3 : ›
Le 7 décembre 1941, le Japon attaquait la base navale américaine de Pearl Harbor. Cette attaque plongea l’Amérique du Nord dans la guerre et provoqua un vent de panique en Colombie-Britannique et sur la côte californienne.
Les premières victimes de cette peur croissante furent les Canadiens d’origine japonaise. Plus de 23.000 d’entre eux, pas nécessairement canadiens de naissance, mais pour la plupart citoyens canadiens, vivaient en Colombie-Britannique. Certes, le racisme au Canada existait depuis longtemps, mais l’attaque japonaise sur Pearl Harbor le poussa à son paroxysme. À Ottawa, le gouvernement fédéral se fit dire à maintes reprises par ses fonctionnaires, la GRC et par des officiers militaires, que les Canadiens d’origine japonaise ne représentaient aucune menace. Mais la pression politique augmenta, en particulier auprès des représentants de la Colombie-Britannique au sein du Cabinet fédéral. Le gouvernement se sentit alors obligé d’agir. Les Canadiens d’origine japonaise furent raflés, privés de leurs emplois et de leurs biens et envoyés à l’intérieur des terres de la Colombie-Britannique où vers d’autres parties du pays. Ce fut la violation la plus choquante des droits humains fondamentaux au Canada durant la guerre.
Extrait de J. L. Granatstein et al, Twentieth Century Canada, 2nd ed., Toronto McGraw-Hill Ryerson, 1986
Document 4 : ›
Il y eut de nombreux rapports – à la fois réels et imaginaires – sur l’activité de sous-marins ennemis au large des côtes californiennes vers la fin de Décembre 1941. Quelques cargos américains furent bombardés et l’un d’entre eux coulé. Bien qu’il n’y eut pas d’autres attaques après décembre, de nombreux habitants des zones côtières se sentirent menacés par toute une flotte de sous-marins ennemis.
Le même sentiment de panique fut palpable sur la côte ouest de la Colombie Britannique en décembre 1941. Une rumeur voulut que la flotte Japonaise soit exactement à 154 miles à l’ouest de San Francisco et fasse route vers la Colombie Britannique.
L’événement s’apparentant le plus à une attaque des côtes britanno-colombiennes reste cependant le bombardement, par un sous-marin japonais, d’une station de radio et du phare d’Estevan Point sur l’île de Vancouver, en juin 1942. Le bombardement ne causa pratiquement aucun dommage. Il n’y eut aucune invasion, aucun débarquement, ou bombardement. Il n’y a d’ailleurs aucune preuve que les Japonais aient considéré de telles options.
Extrait de Ken Adachi, The Enemy That Never Was, Toronto: McClelland and Stewart, 1991, p. 206-208.
Document 5 : ›
Il serait possible de transformer l’ensemble de la Colombie-Britannique en un champ de bataille, et même de bombarder les villes des Prairies comme Edmonton et Calgary. Nous devrions nous protéger de la trahison, d’un coup de poignard dans le dos … Il y a eu des trahisons commises ailleurs par les Japonais dans cette guerre et nous n’avons aucune raison de croire qu’il n’y en aura pas en Colombie-Britannique. … la seule protection complète que nous pouvons avoir, par rapport à cette menace, est d’évacuer la population japonaise de la province.
Howard Green, Membre du Parlement, discours à la Chambre des Communes, 29 janvier 1942.
Document 6 : ›
Durant 6 semaines, du milieu de janvier 1942 à l’annonce de l’évacuation de masse, plusieurs communautés en Colombie-Britannique craignirent que les Canadiens d’origine japonaise trahissent le Canada. Les conseils municipaux, notamment ceux de Vancouver et Victoria implorèrent Ottawa de déplacer tous les Japonais. Le Comité de Défense citoyen composé de 20 citoyens proéminents de la société britanno-colombienne soutinrent le principe de la déportation des Canadiens d’origine japonaise. Ce comité provoqua «une forte impression» à Ottawa.
« C’est un fait qu’aucune personne d’origine japonaise née au Canada n’a été inculpée d’une quelconque forme de sabotage ou de déloyauté pendant les années de guerre », a déclaré le Premier ministre Mackenzie King en 1944. Il aurait pu également ajouter qu’aucun Canadien d’origine japonaise, quel que soit son lieu de naissance, n’avait déjà été reconnues coupables de tels crimes.
Extrait de Ken Adachi, The Enemy That Never Was, Toronto: McClelland and Stewart, 1991, p. 206 and 276.
Document 7 : ›
Un facteur important qui servit, à cette époque, à définir la politique fédérale sur cette question, fut la chute de Hong Kong vers la fin décembre 1941 et la capture des soldats canadiens. Par ailleurs, le traitement réservé par les Japonais à ces prisonniers accrut considérablement l’hostilité à l’endroit des résidents d’origine japonaise sur la côte ouest.
Le 19 Février 1942, le premier ministre William Lyon Mackenzie King nota, dans son journal, qu’il avait peur d’un possible déclenchement d’émeutes sur la côte ouest. Il pensait que ces émeutes pourraient être causées par des rapports concernant les mauvais traitements réservés aux prisonniers canadiens. Le Premier ministre King écrivit : « Une fois que les émeutes se produiront, il y aura des répercussions en Extrême-Orient contre nos propres prisonniers ». C’est par crainte de telles représailles que le Premier ministre se résolut à évacuer tous les Japonais.
Le déplacement forcé de la communauté japonaise devait permettre également de mieux contrôler la peur qui s’était saisie de la communauté blanche et éviter de nouvelles émeutes.
Extrait de Ken Adachi, The Enemy That Never Was, Toronto: McClelland and Stewart, 1991, p. 211.
Document 8 : ›
Durant les 65 années qui ont suivi l’installation des premiers migrants d’origine japonaise au Canada en 1877, des restrictions légales leurs ont interdit le droit de voter ou d’occuper des fonctions électives. Il leur fut par ailleurs interdit d’œuvrer dans certains secteurs d’activité comme le droit, la pharmacie, l’enseignement ou la comptabilité.
Le déracinement des Canadiens d’origine japonaise en 1942 n’a pas été un acte raciste isolé, mais le résultat ultime d’une discrimination qui s’est développée dès les premiers jours de leur établissement. En effet, durant de nombreuses décennies, les immigrants japonais et chinois furent harcelés par des racistes. Les Canadiens d’origine japonaise aujourd’hui âgés se souviennent bien de l’émeute de Vancouver de 1907. Des participants à un rassemblement anti-asiatique se sont transformés en émeutiers déchainés. Ils ont pris d’assaut Chinatown, brisant des vitrines de magasins avant d’être repoussés par un groupe de Canadiens d’origine japonaise.
Extrait de Roy Miki and Cassandra Kobayashi, Justice in Our Time. The Japanese Canadian Redress Settlement. Vancouver: Talon books, 1991, pp. 17-18.
Document 9 : ›
En 1942, un comité spécial britanno-colombien rapporta que si les sentiments anti-japonais ne diminuaient pas, il y aurait des émeutes. Un tel incident avait déjà eu lieu dans le quartier japonais durant la nuit de l’Halloween, en 1939, quand une foule de 300 jeunes blancs fracassèrent les fenêtres vitrées et pillèrent des magasins.
Extrait de Ken Adachi, The Enemy That Never Was, Toronto: McClelland and Stewart, 1991, p. 191.
ACTION 3
Faire
La ligne de spectre
Cet outil aide les apprenants visuels ou kinesthésiques à démontrer ce qu’ils savent en plaçant leurs opinions le long de l’échelle. Appliquez-le à votre apprentissage en abordant une question qui autorise plusieurs réponses.
En groupe de 2, utilisez une échelle par laquelle vous analyserez un nombre d’événements significatifs relatifs à une question dans le domaine des sciences sociales. Numérotez chaque événement.
La ligne ou l’échelle au sommet de la page représente un large spectre d’opinions au sujet des questions ou des problématiques retenues. Des critères opposés sont placés à chaque extrémité de l’échelle. Travailler en groupe de 2 afin d’atteindre un consensus et déterminer la place de chaque événement selon les critères retenus.
Si vous recherchez les raisons pour lesquelles les Canadiens d’origine japonaise ont été déportés de la côte ouest au cours de la Seconde Guerre mondiale, vous pourrez trouver certaines explications dans les 9 documents précédents. En vous basant sur les causes réelles ou implicites de leur déplacement forcé, placez les raisons aux extrémités du spectre, en vous inspirant du modèle qui suit :
Avec votre partenaire, placez le numéro du document sur l’échelle en fonction de sa pertinence par rapport à la question débattue. Pour cet exemple particulier, vous pourriez vous attendre à positionner le document 2 sur la ligne, à proximité de ‘’craintes identitaires’’.
Écrivez après chaque document un résumé synthétique qui justifie le positionnement dudit document sur l’échelle.
Faites équipe avec un autre groupe afin de partager vos points de vue et parvenir à un nouveau consensus en fusionnant les échelles des deux équipes.ach a consensus by merging both teams’ spectrum lines.
Un autre type d’échelle serait une échelle graduée utilisée pour certaines recherches réalisées dans le cadre de Parlez et Agissez. Lorsque les comparaisons sont nécessaires, l’usage d’une échelle graduée s’avère pertinent, contrairement à une simple ligne avec deux critères opposés aux extrémités, voir l’exemple suivant :
Construction d’une échelle : Trouver des déclarations, des événements, des idées, des citations, etc., que vous situerez au milieu et aux extrémités de l’échelle.
La variété des points de vue le long de l’échelle peut inclure des critères tels que :
non important – très important
bon exemple – mauvais exemple
leadership fort – leadership faible
forte influence – faible influence
Discuter
Artefacts 2
Les carnets personnels et mémoires suivants traduisent le ressenti et les expériences vécues par des détenus dans les camps d’internement :
D’abord seul, puis par groupe de 2 et enfin avec un autre groupe, partagez vos réactions et vos sentiments à la lecture des témoignages : Vous pourriez vous poser certaines questions telles :
Quelles émotions ressentez-vous quand vous lisez chaque extrait ?
Quel adjectif vous vient à l’esprit quand vous lisez ces extraits ?
Pouvez-vous faire un lien avec une expérience ou un personnage tiré de vos lectures?
Que voyez-vous /ressentez-vous en particulier ? Dans quelle mesure ce que vous éprouvez influence votre compréhension du personnage ou de l’événement ?
A. Extrait de la préface, par Joy Kogawa (auteur d’Obasan) :
Affamé de lecture, je dévorais ces histoires en un seul après-midi. Certaines d’entre elles étaient douloureusement familières. L’impression qui se dégageait de certaines histoires laissait un goût étrange. Certains ‘’Issei’’, confiaient dans leurs journaux, s’identifier à leurs pays d’origine, un pays en conflit avec mon pays de naissance. En tant que ‘’Nisei’’ passionnément canadien, je n’ai jamais voulu croire que les Canadiens d’origine japonaise puissent se sentir autrement que Canadiens. Mais ce n’était pas raisonnable. Comment pouvais-je espérer que les gens ne se sentent pas viscéralement liés à leur pays de naissance ? Tandis que je lisais, je ressentais l’inconfort, la tristesse, la nostalgie, l’admiration, la tendresse, la fierté et la colère qui m’ouvrirent de nouvelles perspectives pour revisiter les secrets et les intimités de mon enfance.
B. Extrait du journal de Koichiro Miyazaki
15 avril 1942 Pluie. Je n’ai pas vu la pluie depuis longtemps. Je contemple la forêt de bouleaux, enveloppée par une douce pluie du printemps. C’est comme un rêve. Mes carnets, d’abord confisqués, m’ont été retournés, coupés et censurés. C’est juste le journal d’un interné. Ont-ils le droit de faire de telles choses? Au moins, ils devraient nous donner quelques explications. Ils peuvent confisquer mes carnets, mais les faits concernant ma vie ne vont pas disparaître … (Oiwa, 52).
19 juillet 1942 C’est le dernier jour de notre vie au camp d’internement de Petawawa. Je me souviens du jour où nous sommes arrivés ici, le camp était encore cerné par l’hiver, dur et sombre. Le lac était gelé, blanc. Un vent mordant soufflait. Le sol était dur et glacé. La forêt de bouleaux dégageait une sombre impression de squelettes blancs qui nous faisait frissonner. La blancheur du paysage est encore clairement imprimée dans le fond de mon esprit. Il se trouve que nous quittons les lieux au milieu de l’été. Demain matin, nous quittons cet endroit pour de bon. Le camp est maintenant entouré de verdure … Beaucoup de gens ont défriché cette terre stérile et semé divers légumes et fleurs que nos yeux et nos estomacs commençaient à apprécier. Eh bien, je ferais mieux de cesser d’être sentimental. Demain, un nouveau combat commence dans un nouveau camp … (Oiwa, 61).
C. D’après les lettres de Kensuke Kitagawa (écrit alors qu’il était interné à la prison de Camp Angler)
28 mai 1943 (extrait d’une lettre à son épouse) Je regarde encore la branche de glycine que vous m’avez envoyée et qui est sur le mur. Alors que je dormais dans la couchette inférieure, un haïku m’est venu à l’esprit : Glycines : Mais lit à deux étages Est sur mon chemin
Je me demande comment vous interprétez ce poème? Devinez où mon esprit est? (Oiwa, 112)
D. Extrait du journal de Kaoru Ikeda:
… Nous avons vu la vraie nature du Canada à travers nos récentes expériences. Qu’est-ce que la démocratie ? Qui peut en parler ? Qui a le droit d’accuser le Japon d’envahir de nouveaux pays ? La Grande Bretagne n’est-elle pas le champion des envahisseurs ? Les derniers siècles de l’histoire britannique sont une succession d’invasions. Comme ils ne sont ni Canadiens ni Japonais, je me demande qu’elle sera l’avenir des jeunes “Nisei”? Privés des droits civils, ces jeunes gens sont dans une triste situation. J’espère simplement que leurs efforts connaitront une issue heureuse. (Oiwa, 146).
E. Un poême tanka écrit à Slocan
J’ai pensé Ce serait simplement temporaire Dans ce pays de montagnes Accumuler une autre année Tandis que la neige s’amoncelle (Oiwa, 119)
F. Dans les mots de Genshichi Takahashi:
Le gouvernement nous a promis que durant la durée des hostilités, les dépositaires allaient prendre soin de nos propriétés. Nous avions cru les mots du gouvernement et avons laissé tous nos biens derrière nous. C’étaient des choses très importantes pour nous. Ils ont alors confisqués et vendus pour moins que rien, nos terres, nos fermes, nos bateaux de pêche, nos voitures, en vertu de l’application de la loi injuste appelée Loi des mesures de guerre. Dès le début, le gouvernement avait l’intention de nous duper. (Oiwa, 192)
Les conditions dans les camps
ACTION 4
Faire
L’écriture est une façon d’exprimer l’émotion ressentie dans certaines situations. Un haïku est une forme poétique japonaise qui utilise un langage sensoriel pour capturer un sentiment ou une image. Ils sont souvent inspirés par la nature. Le format traditionnel est un tercet de 3 vers de 5, 7 et 5 syllabes.
Voici un exemple qui peut encapsuler ce que les Japonais ont vécu :
Discrimination Préjudice est un nuage Mauvais pour nous tous.
Ecrivez un haïku afin d’exprimer les sentiments d’un enfant dans un camp d’internement.
Artefacts 3
Les photos qui suivent ont été prises durant la période de l’internement :
Une famille Canadienne d’origine japonaise relocalisée en Colombie-Britannique, 1942.
Crédit de photo : Bibliothèque et Archives Canada / C- 046355.
Un camp d’internement pour les Canadiens d’origine japonaise en Colombie-Britannique, 1945.
Crédit photo: Jack Long / National Film Board of Canada/Library and Archives Canada/PA-142853. LAC
Le camp d’internement de Lemon Creek, 1944-1945, construit spécifiquement pour interner les familles canadiennes d’origine japonaise.
Le camp d’internement de Lemon Creek, 1944-1945, construit spécifiquement pour interner les familles canadiennes d’origine japonaise. L’école située au centre accueillait les élèves de la garderie au grade 12.
http://www.sedai.ca/archive/photos/collections/internment-camps/ Ce site Web propose de nombreuses photos de la période relative aux camps d’internement. Dans le cadre du projet sur la préservation du patrimoine des Canadiens d’origine japonaise, SEDAI se consacre à la collecte de témoignages des générations précédentes.
D’abord seul puis avec un collègue, analysez les photos ci-dessus et celles apparaissant sur le site web. Choisissez les photos qui vous touchent le plus et décrivez ce que vous ressentez.
Après le visionnement, comparer vos impressions sur le film avec d’autres sources de l’époque, comme des photos, des témoignages, des journaux personnels, des comptes rendus, et plus.
Discutez :
Comment le contexte historique enrichit l’étude de la littérature et les représentations des médias
Comment la littérature et les médias peuvent améliorer notre compréhension d’un événement dans son contexte historique
ACTION 7
Discuter
Le 22 septembre 1988, l’Entente de redressement à l’égard des Canadiens d’origine japonaise était signée. À la Chambre des communes, le Premier ministre Brian Mulroney reconnut les actions illicites du gouvernement et promit de veiller à ce que des événements de la sorte ne se reproduisent plus jamais. Le Premier ministre s’inclina également devant la totale loyauté des Canadiens d’origine japonaise. Comme réparation symbolique de ces injustices, le gouvernement leur offrit une compensation individuelle et communautaire. Au nom des Canadiens d’origine japonaise et pour le bénéfice de l’ensemble de la population canadienne, le gouvernement fédéral promettait également de créer la Fondation canadienne des relations raciales pour « favoriser l’harmonie raciale, et faciliter le développement et le partage de toute connaissance pouvant contribuer à l’élimination du racisme ». La Fondation a été constituée par décret du gouverneur en conseil le 29 octobre 1996 et a débuté officiellement ses activités en novembre 1997. http://www.crr.ca/fr/
Allocution du premier ministre Brian Mulroney à la Chambre des communes, le 22 septembre 1988
« Je sais que je parle au nom de tous les députés en présentant aux Canadiens d’origine japonaise les excuses officielles et sincères du Parlement pour les injustices qui ont été commises dans le passé envers eux, leurs familles et leurs descendants, et en promettant solennellement aux Canadiens de toutes origines que pareilles injustices ne seront plus tolérées et ne se reproduiront plus jamais. »
Front, L-R: Prime Minister Brian Mulroney and Art Miki, President of the National Association of Japanese Canadians signing the Redress Agreement on September 22, 1988. Back, L-R: Don Rosenbloom, Roger Obata, Lucien Bouchard, Audrey Kobayashi, Gerry Weiner, Maryka Omatsu, Roy Miki, Cassandra Kobayashi.
Comme classe, répondez à certaines questions telles :
Quels critères devrions-nous considérer pour déterminer la valeur de la réparation ou de l’indemnisation pour compenser les torts du passé ?
Quels autres sujets de l’actualité devraient faire l’objet aujourd’hui de réparations ou d’indemnisations ?
Tous les efforts ont été faits auprès des détenteurs de droits d’auteurs afin d’obtenir les droits de reproduction. L’éditeur s’excuse par avance de tout oubli ou omission et se fera un plaisir d’apporter les corrections qui s’imposent lors des réimpressions subséquentes et lors des mises à jour du site web.